Voici le témoignage d’une paroissienne de Villejuif sur son expérience de ces deux mois de pandémie du Covid-19. Ce témoignage en appelle d’autres.
A vos plumes, envoyez-nous un texte pour dire la manière dont vous avez vécu ces mois de confinement et de déconfinement…
Voici un premier témoignage de cette expérience forte, individuelle et collective, qu’ont été le confinement et le déconfinement ces deux derniers mois. Une paroissienne nous dit sa douleur et ses questions.
Dieu est étrange.
Que m’arrive-t-il ? je viens de vivre un moment d’absence !
Deux mois de confinement, trois contacts humains, des messages d’amis (peu), des oiseaux dans les arbres de la nationale, seule dans mon neuvième étage où je survis ! Douleur du soir pour dormir… le plus tard possible. Douleur du matin devant une longue journée de solitude… le vide…
Alors, j’ai laissé les rituels s’installer… je me sens piégée, j’invente des théories, avec les heures, les chiffres, les mots, la prière, la gymnastique… j’ai essayé beaucoup de choses. Et j’ai confectionné des masques en tissu, voilà je suis sauvée, je m’acharne sur la couture, mon cœur se calme un peu… j’ai un but ! et pourtant j’ai prié, dès le début du confinement… j’ai supplié… rien n’y a fait… un jeune ami est tombé malade, alors j’ai prié comme jamais, dans l’urgence avec des bougies plus grosses que ma foi, des neuvaines, c’était bien la première fois, sorte de chantage avec Dieu… c’était le désespoir. J’ai fait des promesses, comme elles sont belles, pour l’après confinement, je prendrai mes proches dans mes bras, les embrasserai, partout où j’irai je veux me montrer aimable, souriante, serviable et priante !
Les amis de la communauté, vous m’avez tellement manqué, je vous ai tellement désirés, pour prier, partager l’Evangile, en accueil… belles promesses pour « l’après ».
Et voilà, le déconfinement… l’après… rien de mes projets ne se réalise, paradoxe, je me demande s’il faut sortir du confinement, j’ai peur, je soupçonne la présence du virus un peu partout…
Ces dernières années, Jésus s’est montré top humain, en laissant l’Eglise changer les règles avec la redécouverte de l’Eucharistie depuis plusieurs années, au point d’oublier un peu les autres formes de célébrations, vêpres, salut du Saint Sacrement… l’arrivée de livrets comme « Prions en Eglise » nous a rendus savants ! nous paroissiens, d’où une prise de pouvoir des laïcs exagérée. Mon œil est devenu critique.
Dieu est étrange, il m’a laissée jusqu’à aujourd’hui le prier avec mon cœur d‘enfant, avec des mots simples de petite fille, il m’a laissée penser que tout le monde aime tout le monde… que l’homme est droit et ne pense qu’avec amour… j’ai mûri… j’ai arrêté de demander à Jésus des signes, Dieu n’autorise pas des vérités à prendre ou à laisser, Il nous invite plutôt avec discrétion… moi qui l’imagine déchirer le ciel dans un concert de violons, pour venir me parler… la prétention, plutôt une certaine candeur, voilà pourquoi ma déception. Jésus ne prend pas de moyens grandioses, s’il avait accepté d’être proclamé Roi sur cette terre… on l’aurait reconnu… alors Dieu plutôt étrange ou discret ? au sujet de l’après confinement, je l’ai trouvé plutôt étrange, où était-il ? où est-il à ce jour ?
j’avais une vie en paroisse bien remplie, puis rien, un ou deux appels téléphoniques… je me demande comment vivre de grandes journées ? avant le covid-19, les journées n’étaient pas assez longues… plus rien… le désert. Pendant deux mois, Jésus m’a soutenue… il faut dire que nous communiquons beaucoup ! paroles qui m’enfantent, il est le père que j’ai pas connu, ondoyée à la naissance, il a pris la direction de ma vie par le baptême… je suis son enfant… parfois c’est lui qui me prie de garder mon cœur d’enfant, Dieu qui me prie ! Mais cet « après », c’est encore la solitude, le silence qui fait tant de bruit dans mon cœur. Vendredi, c’est le jour de l’entretien avec mon psy, jour attendu et redouté, il sera surpris d’entendre que je rétrograde, que je glisse, doucement, vers le vide. La religion, qui m’a tant aidée à sortir de la détresse, à une époque, me lâche, m’indique que mes sœurs et frères en Jésus-Christ sont superficiels… trois mois d’absence et rien n’aurait survécu ? j’espère que c’est une erreur…
Guéris-moi, la terre va mal, les catastrophes n’étaient donc pas réservées pour les pays pauvres (comme le croient certains de mes bons amis !) ? Elles sont arrivées jusqu’ici ? une vague de maladie est là jusque dans nos villages les plus reculés, chez nos voisins, chez nos amis… Cet isolement me fragilise, j’ai peur, « je ne ris plus », je me sens ridicule, je ne comprends pas les cœurs secs.
Bonne nouvelle, un ami va guérir… et d’autres aussi, merci.
Seigneur, au secours, calme mon angoisse, ma détresse et dis-moi « où est passé l’amour ? », pardon, tu n’es pas si étrange… c’est probablement moi qui le suis.
Appelle-moi encore par mon nom. Je t’en prie.
Téléchargez le témoignage : Dieu est étrange
Le président le Conférence des Evêques de France a lui-aussi publié les leçons qu’il tire de ces deux mois sous le titre : Le matin, sème ton grain.
La lettre du Président de l’Episcopat au Président de la République