La fraternité une espérance chrétienne

La fraternité : une espérance chrétienne

Fratelli Tutti, récente encyclique du pape François, veut promouvoir une espérance de fraternité et d’amitié sociale entre les peuples. Pour nous chrétiens catholiques, elle rappelle une expression majeure de la vie en Eglise, en raison de notre foi en Jésus Christ. Comment situer la fraternité dans la vie et la mission de l’Eglise ?
Servir la fraternité renvoie à une des tâches de la triple responsabilité que l’Eglise doit assumer au sein du monde : annoncer la Parole de Dieu, célébrer les sacrements et servir la vie des hommes, notamment les plus pauvres. C’est cette « diaconie », ce service des frères, qui constitue le témoignage le plus lisible que le chrétien peut porter au monde, au nom de sa foi.


Il s’agit d’un témoignage de la foi et donc d’un témoignage de tous. En effet, si l’Eglise peut s’inscrire dans la solidarité grâce à des organismes spécialisés ou de nombreux croyants compétents qui s’engagent, à titre individuel ou collectivement dans des partenariats divers, le service de la fraternité ne peut être délégué à des spécialistes. Le service des frères est l’affaire de tous les baptisés. A la suite de Jésus qui assume le service le plus humble dans le lavement des pieds en disant à ses disciples : « C’est un exemple que je vous ai donné ;  ce que j’ai fait pour vous, faites-le aussi » (Jean 13, 15), tout disciple du Christ est appelé à mettre la « diaconie » au cœur de son action.
Si elle prend exemple sur Jésus Christ, la relation fraternelle pour un chrétien est une expérience spirituelle différente de celle de la solidarité. Les préoccupations de base des deux expériences, telles que le respect de la dignité de l’homme ou la proximité avec les démunis, peuvent être proches, mais l’esprit qui les fonde n’est pas le même. La fraternité chrétienne l’emporte en s’inscrivant davantage dans le respect et le secours de l’autre en tant que créature d’un Dieu qui est devenu l’un de nous. Pour cela, elle s’accompagne d’émerveillement chaque fois que des pas significatifs vers ce qui est bien et beau sont franchis en commun. Car cela correspond au dessein bienveillant de Dieu pour toute l’humanité, dès l’origine. Pour cela, la fraternité est une aventure spirituelle à conquérir et à approfondir en la traduisant dans des actes concrets.
Le geste majeur de la fraternité chrétienne est l’accueil. Même s’il demeure difficile d’accueillir l’autre chez soi, le chrétien se rappelle que lier l’hospitalité et la fraternité correspond à la réalisation de la promesse d’ouvrir sa porte à Dieu lui-même. Cela devient encore plus pertinent, lorsque l’autre qu’on accueille est étranger, « un frère de douleur ».
Il y a un autre geste hautement significatif de la diaconie est le « service de la visite », qui nous rappelle que la fraternité se pratique à hauteur de visage et pas autrement D’autres gestes peuvent s’avérer pertinents, surtout en cette période de pandémie où nous sommes mobilisés contre l’isolement et le repli sur soi. Ils revêtiront les couleurs de la fraternité s’ils nous amènent à privilégier, autant que possible, le contact personnel et la compagnie des plus pauvres.
N’oublions pas, enfin, que tous ces gestes culminent dans l’Eucharistie. En effet, rompre le pain en commun sans s’exclure entre hommes ou femmes, blancs ou noirs, riches ou pauvres, bien-portants ou malades, jeunes ou moins jeunes, est la marque la plus visible d’une communauté chrétienne fraternelle.

L’Eucharistie comme repas commun signifie, dans toutes les cultures, vie partagée et partage de vie. Elle ne doit pas sombrer dans la routine des pratiques chrétiennes, car elle nous offre les moyens de vivre l’unité et la fraternité. La demande et l’accueil du pardon en commun pour passer par-dessus nos divisions, l’écoute priante de la Parole du Christ qui stimule nos désirs de former un même corps et le repas partagé entre tous y préfigurent ce peuple de sauvés en marche vers le Royaume. Là encore, c’est à hauteur de visage que se jugera notre appartenance au Christ.

Fratelli tutti, tous frères !

Benoît Hagenimana, curé